La Bibliothèque de botanique du Muséum national d'histoire naturelle conserve une unique part d'herbier soigneusement préparée par Rousseau. Acquise à une vente aux enchères et conservée par deux botanistes, elle a le double statut d'un objet scientifique et d'une pièce de collection bibliophilique.
La collection
L'unique spécimen de Galium palustre porte toutes les marques d'une part d'herbier de Jean-Jacques Rousseau : fixation par des bandelettes de papier doré au second recto d'une chemise, cadre à l'encre rouge en guise d'ornement et binôme linnéen tracé par la main du philosophe. Ces caractéristiques sont plus précisément celles des petits herbiers d'une centaine de plantes conçus par Rousseau pour les vendre ou les offrir. On les retrouve notamment dans les collections de la Bibliothèque centrale de Zurich et du Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency, confiées par Rousseau à deux de ses amies, mais aussi dans l'herbier du Musée Carnavalet et dans celui de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. Du point de vue de la confection, nous pouvons notamment comparer le gaillet à un spécimen comme la Plantago alpina de Neuchâtel dont la feuille a les mêmes dimensions.
Le spécimen fait partie de la collection d'autographes constitués par les botanistes Gustave-Adolphe Thuret (1817-1875) et Jean-Baptiste-Édouard Bornet (1807-1882), aujourd'hui conservée à la Bibliothèque de botanique – cryptogamie du Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Sous la même cote, nous trouvons trois lettres de Rousseau, connues et éditées dans sa Correspondance complète (éd. Leigh 1972-1998), relatives à la botanique et adressées respectivement à Luc-Antoine Donin de Champagneux (1744-1807), André Thouin (1747-184) et Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes (1721-1794). Ces lettres n'entretiennent aucune relation directe avec le spécimen.
En tant qu'échantillon isolé qui appartient à des botanistes, le Galium palustre mérite d'être rapproché du Myosotis scorpioides de la Bibliothèque de l'Institut de France, d'autant plus que Bornet compte parmi les proches du botaniste Joseph Decaisne (1807-1882) qui possède cet échantillon-ci au XIXe siècle.
Histoire
Nous pouvons seulement supposer que le délicat gaillet faisait partie du dernier herbier de Rousseau, comme la plupart des collections rassemblées sur cette plateforme. Après la mort de Rousseau en 1778, son hôte René-Louis de Girardin (1735-1808) conserve l'herbier et en confie des fragments à ses descendants. À leur tour, ceux-ci diffusent des lots de plantes ou des spécimens isolés au cours du XIXe siècle. Le gaillet de Rousseau en faisait peut-être partie.
Quoi qu'il en soit, avant 1846, le spécimen entre dans la collection de Guillaume-Thérèse Villenave (1762-1846) qui laisse une annotation sur le premier recto de la chemise. Ce bibliophile est aussi un homme de lettres et un lecteur de Rousseau. En 1817, il édite chez Bélin les Œuvres de J. J. Rousseau, citoyen de Genève.
Le 22 janvier 1850 commence la vente aux enchères des autographes du défunt collectionneur. C'est vraisemblablement à cette occasion que Bornet ou un de ses amis (Thuret ou Decaisne ?) acquiert la feuille d'herbier, en même temps que la lettre à Donin de Champagneux du 12 août 1769. Dans le Catalogue des collections d'autographes, de manuscrits, de pièces sur l'histoire de France et de livres composant le cabinet de feu M. Villenave, le lot 746 contient en effet la lettre et une feuille d'herbier qui est vendue avec un manuscrit musical : « 2o Une feuille de son [Rousseau] herbier et un morceau de musique d'une musique ½ page in-4. » (transcription de Mathilde Jean à la Bibliothèque municipale de Nantes). Il s'agit selon toute vraisemblance du présent gaillet.
En 1910, Bornet lègue sa collection d'autographes au Laboratoire de cryptogamie du Muséum (Biers 1928, p. 50, n. 1). Reposant depuis lors au sein de cette institution, le spécimen de Galium palustre a été redécouvert en 2022.
Botanique
Unique spécimen de la collection, le Galium palustre (famille des Rubiacées) est une espèce des prairies humides. L’espèce est également présente dans l’herbier pour Mademoiselle Delessert et dans l’herbier Rousseau de Neuchâtel.
Numérisation et données
À notre demande, la part d'herbier a été numérisée à Paris, en octobre 2022, par le service Diffusion et savoirs du Muséum national d'histoire naturelle.
Nous avons saisi toutes les données relatives au support, au spécimen et aux annotations. Toutefois, nous ne reproduisons ni ne transcrivons les trois lettres de Rousseau qui sont déjà connues et qui ne documentent pas l'échantillon.