Avec ses huit chemises fixées dans un cahier, le petit herbier du Musée Carnavalet – Histoire de Paris compte parmi les reliques de Jean-Jacques Rousseau que conserve la famille de Girardin après la mort du philosophe. Cette collection enrichit notre compréhension du dernier herbier de Rousseau.
La collection
Huit feuillets contiennent dix spécimens. Jean-Jacques Rousseau y fixe les plantes au moyen de bandelettes de papier doré et il trace sur chaque page des cadres à l'encre rouge. Le nom de la plante et sa classification d'après le système de Linné apparaissent sur le premier recto, accompagnés parfois de remarques en français sur les échantillons et leur provenance. Ce dispositif de présentation évoque non seulement les herbiers que Rousseau a offerts à Julie Boy de La Tour (Bibliothèque centrale de Zurich) et à Madeleine-Catherine Delessert (Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency), mais encore certains spécimens de l'herbier de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (voir cet exemple). Dans son édition des Écrits botaniques de Rousseau, Takuya Kobayashi souligne les « caractéristiques similaires exclusives » (éd. Kobayashi, 2012, p. 225) des collections de Neuchâtel et Carnavalet, notamment les numéros de la classe et de l'ordre linnéens, indiqués par Rousseau au premier recto des feuillets.
Les feuillets sont reliés au sein d'un cahier qui comporte d'autres éléments. D'abord, nous y trouvons le pochoir dont Rousseau s'est servi pour tracer les cadres rouges autour des plantes. D'autres pochoirs sont conservés dans la collection de Neuchâtel (voir par exemple le contenant no VI). Ensuite, le cahier contient une partition autographe dont Rousseau a composé la musique. Enfin, Alphonse de Fontvanne (voir ci-après, la section « Histoire ») laisse au XIXe siècle plusieurs annotations dans le cahier et, comme l'une d'entre elles nous l'apprend, il y joint « dix études peintes par moi ».
De format in-4o, le volume est relié en veau vert, avec des dorures et deux fermoirs. Il porte en lettres dorées le titre « J.-J. Rousseau. ». Notons encore qu'une annotation de Rousseau, relative à deux spécimens de Veronica teucrium, nous apporte des renseignements sur le dernier herbier du philosophe et sur l'usage qu'il a fait des plantes du botaniste français Jean-Baptiste-Christophe Fusée-Aublet (1723-1778) : voir la présentation du spécimen concerné.
Histoire
La première phase de l'histoire de l'herbier compte peu de lacunes. La collection de dix plantes est extraite du dernier herbier de Rousseau par la famille de Girardin qui le conserve après la mort du philosophe en 1778, à Ermenonville. Dernier hôte de Rousseau, le marquis René-Louis de Girardin (1735-1808) transmet les spécimens à son fils Louis-Stanislas de Girardin (1762-1827) ou directement à l'épouse de ce dernier, Marie-Françoise Serrès (1774-1855). À son tour, Marie-Françoise donne en 1818 les dix spécimens à Alphonse de Fontvanne. Ce personnage-ci, dont nous ignorons tout, signale lui-même le don dans une annotation datée de Paris, le 21 septembre 1846, qu'il laisse à l'intérieur du petit volume. Cette note nous permet également de supposer que le montage et la reliure du volume datent au plus tard de l'année 1846.
Nous ignorons le destin du petit herbier dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, mais il reste sans doute dans la famille de Fontvanne. À une date inconnue, le volume est mis en vente, comme nous l'apprend le fragment d'un catalogue collé entre deux pages de couverture intérieures. Nous y lisons que les « Huit plantes » (c'est-à-dire les huit chemises et les dix spécimens) sont vendues en même temps qu'un « Morceau de musique autographe avec accompagnement de 2 pages », probablement la partition mentionnée plus haut. Il est fort probable que les acquéreurs soient Pierre-Charles-Jules Rainaud (1854-1922) et son épouse Marguerite-Lucie-Henriette née Van Wilder (1857-1938). En tout cas, cette dernière lègue l'herbier au Musée Carnavalet en 1923, peu après la mort de son mari, en souvenir de leur fils Jean-Henri-Clément Rainaud (1884-1914), sergent décédé à l'hôpital des suites d'une maladie qu'il avait contractée au début de la Première Guerre mondiale.
En 1960, l'herbier est décrit par deux conservateurs dans un article du Bulletin du Musée Carnavalet qui contient une photographie (Mongolfier, Gallet 1960). Il est montré deux ans plus tard à la Bibliothèque nationale de France, à l'occasion d'une exposition commémorative sur Rousseau (Adhémar, Thomas 1962, p. 92).
Botanique
La collection comprend huit parts d’herbier de plantes à fleurs confectionnées par Rousseau. Ceanothus americanus (famille des Rhamnaceae) est une espèce d’Amérique du Nord qui est également présente dans les herbiers Rousseau du Muséum national d'histoire naturelle de Paris et de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel.
Numérisation et données
Le volume a été numérisé en juillet 2023 par le Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Cette numérisation, que le Musée nous a confiée pour le présent site, est destinée à rejoindre la plateforme Paris Musées. Elle n'inclut pas les premiers rectos (sauf pour le support no 3) ni les seconds versos des feuillets de l'herbier.
Nous avons saisi toutes les données relatives au contenant, aux supports, aux spécimens et aux annotations. Pour les annotations de Rousseau qui apparaissent sur des pages absentes de la numérisation, nous suivons la transcription de Takuya Kobayashi dans son édition des Écrits botaniques de Rousseau (2012, p. 231).