Le joli myosotis de Jean-Jacques Rousseau a appartenu au botaniste français et académicien des sciences Joseph Decaisne. Il est conservé à la Bibliothèque de l'Institut de France avec un fac-similé de l'écriture de Rousseau et une liste manuscrite des plantes de l'herbier de Montmorency.
La collection
Magnifiquement conservé dans la correspondance du botaniste Joseph Decaisne (1807-1882), le spécimen de Mysotis scorpioides est fixé sur une feuille de papier vergé par trois bandelettes de papier doré. Jean-Jacques Rousseau indique le nom linnéen de la plante dans le coin inférieur gauche. Le bord gauche de la feuille a manifestement été déchiré, si bien que cette feuille de papier constituait peut-être, à l'origine, un feuillet de quatre pages. Quoi qu'il en soit, le myosotis a été préparé avec soin par Rousseau ; il était sans doute destiné à rejoindre un « herbier portatif » (Cook 2012, p. 290-293, voir notre bibliographie) et à former un cadeau. Lorsqu'il offre des herbiers, Rousseau trace volontiers un cadre à l'encre rouge autour des plantes. Ce n'est pas le cas ici.
Du point de vue de la confection, cette part d'herbier en évoque d'autres. En particulier, un spécimen de Solanum pseudocapsicum de l'herbier de la Bibliothèque centrale de Zurich présente les mêmes caractéristiques ; il n'est pas non plus encadré. Autre exemple, nous trouvons dans l'herbier de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel un Orchis morio de facture similaire. À quelle(s) collection(s) faut-il donc rattacher le myosotis ? Nous pouvons seulement suggérer qu'il appartenait, comme la majorité des collections que nous connaissons aujourd'hui, au dernier herbier de Rousseau. Resté dans la famille de Girardin après la mort du philosophe en 1778, cet herbier contenait non seulement des spécimens en vrac et des spécimens reçus, mais encore des planches d'herbier soigneusement composées et probablement destinées à être offertes.
Enfin, le myosotis de l'Institut mérite d'être rapproché d'un autre spécimen isolé, le Galium palustre de la Bibliothèque de botanique du Muséum national d'histoire naturelle. Ce spécimen est en effet acquis au XIXe siècle par deux botanistes qui sont dans l'entourage de Joseph Decaisne (voir ci-dessous, la section « Histoire »).
À la Bibliothèque de l'Institut de France, sous la même cote, la correspondance de Joseph Decaisne abrite deux autres documents rousseauistes qui n'entretiennent pas de relation directe avec le myosotis. Le premier est un « Fac-similé de l'écriture de J.J. Rousseau ». Permettant de comparer les écritures, sa fonction était peut-être de prouver l'attribution de l'échantillon de myosotis à Rousseau. Le second document est une « Table Alphabétique des Noms François, que M: Rousseau a joints aux noms Latins des Plantes de l'Herbier de Mlle de Lessert », liste qui concerne donc l'herbier du Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency. La personne inconnue qui a rédigé cette table est certainement la même que l'auteur d'une « Table Alphabétique des Familles » de l'herbier de Montmorency, manuscrit conservé au Musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency.
Histoire
Nous ignorons presque tout de l'histoire du spécimen. Selon l'hypothèse formulée plus haut, il appartiendrait aux descendants de René-Louis de Girardin (1735-1808), dernier hôte de Rousseau à Ermenonville, à partir de 1778 et jusqu'à une date inconnue. Si Joseph Decaisne ne l'obtient pas directement auprès de la famille de Girardin, peut-être l'acquiert-il à une vente aux enchères, de la même façon que Gustave-Adolphe Thuret (1817-1875) et Jean-Baptiste-Édouard Bornet (1828-1911) acquièrent leur spécimen de Galium palustre en 1850 : voir la présentation de la collection de la Bibliothèque de botanique du Muséum national d'histoire naturelle.
Nous savons en revanche que Bornet s'est chargé de classer le vaste ensemble de lettres de Decaisne après la mort de celui-ci en 1882 (Bornet 1883, p. VI). Decaisne était membre de l'Académie des sciences depuis 1847. Conservée à la Bibliothèque de l'Institut, sa correspondance forme aujourd'hui trente cartons. Elle contient, outre la correspondance passive, divers autographes rassemblés par Decaisne.
Manifestement ignoré des spécialistes de Rousseau, le spécimen de Myosotis scorpioides a été porté à notre attention par Thibaud Martinetti.
Botanique
Unique spécimen de la collection, le Myosotis scorpioides (famille des Boraginacées) et une espèce des milieux marécageux. L’espèce est également présente dans deux autres herbiers confectionnés par Rousseau : dans l’herbier pour Mademoiselle Delessert et dans le petit herbier pour Mademoiselle Julie Boy de La Tour. L'herbier Rousseau du Muséum national d'histoire naturelle de Paris comprend également un spécimen de Myosotis scorpioides monté par Jean-Baptiste Christophe Fusée-Aublet.
Numérisation et données
À la demande de Thibaud Martinetti, le spécimen et les documents qui l'accompagnent ont été photographiés par la Bibliothèque de l'Institut de France en mai 2022.
Nous avons saisi toutes les données relatives aux supports, au spécimen et aux annotations, y compris la table alphabétique mentionnée plus haut (section « La collection »). Néanmoins, nous n'avons pas reproduit ni transcrit le fac-similé de l'écriture de Rousseau, conservé sous la même cote, qui ne concerne pas les activités botaniques du philosophe.